Discours d’ouverture du Président de la FFMPS, lors des Journées Nationales 2015 des maisons et pôles de santé, à La Rochelle.
Madame la Ministre,
Monsieur le Maire,
Mesdames les vice-présidentes du Conseil Régional,
Madame la Sénatrice,
Monsieur le Directeur de l’ARS,
Cher collègues,
Nous avions remarqué, Madame La Ministre que vous aviez un faible pour les maisons de santé. Une visite de MSP quasiment chaque mois… Votre venue aujourd’hui nous honore, et nous la percevons comme une reconnaissance des efforts produits par notre jeune fédération.
Vous avez eu droit ce dimanche à un temps de revendication des professionnels de santé. Ils ont été nombreux à arpenter le pavé parisien pour dire leur mécontentement ou clamer leurs inquiétudes. Aujourd’hui, à La Rochelle, vous avez devant vous plus de 500 professionnels de santé qui se situent dans le temps de la réflexion et de la construction. Chaque temps a son importance, et nous ferons notre part de travail dans le respect de chacun.
Il y a un an, en mars 2014, 436 maisons et pôles de santé étaient en fonctionnement. Mars 2015, un an plus tard, ce sont 620 maisons et pôles de santé qui sont enregistrées par les ARS. Une inflation de 40% en un an, cela donne du sens au phénomène. Avec humilité, car nous ne sommes pas des idéologues et n’avons jamais supposé avoir trouvé le modèle unique. Ce qui est sûr, pour l’instant, ça marche… Pour les professionnels, mais surtout pour la satisfaction des patients.
Avec notre fédération, nous avons bien avancé sur 3 dossiers essentiels pour l’avenir des soins primaires au service de la qualité des soins et des services rendus aux patients.
Le premier dossier : le système d’information. Nous savons tous que le développement des soins primaires passe par une modernisation de nos systèmes d’information. Il est évident que les professionnels de santé des soins primaires sont loin d’utiliser leurs systèmes d’information au mieux des possibilités offertes. Hormis quelques équipes pionnières, bien peu peuvent éditer des données régulières concernant la prise en charge de leurs patients. Nos cursus de formation ne nous préparent pas du tout à la gestion d’un système d’information de suivi de patientèle. La FFMPS a porté plusieurs actions sur ce dossier.
Ce fut la loi du 10/08/2011 sur le partage, puis la définition d’un cahier des charges avec l’ASIP suivi d’une labélisation des éditeurs. C’était un premier pas nécessaire. Aujourd’hui, 7 éditeurs sont labélisés ASIP.
Il nous reste une phase difficile : accompagner les équipes dans cette modernisation. Que ce soit pour définir un projet collectif conforme au projet de santé, définir en équipe des priorités, puis les mettre en application. Les faire passer du concept de « logiciel métier » au concept de « dossier électronique du patient ». La relance d’un travail avec l’ASIP santé suite à une demande de vos services, Madame la Ministre, devrait nous aider à préciser le cahier des charges et prévoir cet accompagnement des professionnels au changement. Notre fédération prendra sa part dans ce travail. Nous avons déjà lancé des expérimentations de soutien aux professionnels en région avec des ingénieurs informaticiens ou avec des médecins DIM ambulatoire.
Le deuxième dossier est celui des protocoles des soins. Une équipe pluriprofessionnelle a besoin de protocoles pour travailler de manière coordonnée. Et pour tenir un discours homogène aux patients. C’est le sens de notre partenariat renouvelé avec l’HAS qui a permis d’avancer sur plusieurs chantiers : l’écriture de premiers protocoles pluriprofessionnels en soins primaires, la matrice de maturité (référentiel d’analyse et de progression), la création d’un centre de ressources en soins primaires, la formation de nouveaux métiers.
Le troisième dossier est celui des NMR. Sujet d’actualité qui crée des espoirs et aussi quelques craintes.
La stratégie nationale de santé que vous avez portez a donné le ton. Plusieurs rapports, de multiples exemples internationaux, tout concoure à recentrer les systèmes de santé sur les soins primaires. Ce qui signifie réponse aux soins et à la santé d’une population par une équipe de professionnels organisés, coordonnés autour d’un projet de santé.
Pour cela nous avions besoin que l’ENMR se généralise. Vous vous y étiez engagée. Vous avez tenu parole et nous vous en sommes forts reconnaissants.
Ce règlement arbitral a une portée très symbolique. C’est un événement important pour la FFMPS et au-delà, pour tous les acteurs des soins primaires qui s’organisent en équipes pluriprofessionnelles. Les nouveaux modes de rémunérations d’équipe confirment votre volonté de donner des moyens au travail en équipe. La reconnaissance d’une équipe, c’est plus que la seule reconnaissance individuelle.
Ce sont des moyens pour travailler plus loin que dans le seul colloque singulier. Ce sont des moyens pour développer des soins coordonnés, et gérer des systèmes d’information centrés sur le dossier électronique du patient.
Six ans d’expérimentation, il était temps, nous allions nous essouffler…
Comptez sur nous pour faire vivre ce texte. Et comptez sur nous pour le faire évoluer. Sitôt ce texte paru que nous pensions déjà au suivant. Nous allons travailler sur ce texte auprès des comités de suivi nationaux et régionaux pour démontrer la pertinence de certains items retenus, ou les limites d’autres items qui nécessiteraient des adaptations.
Ce texte était une étape attendue, Madame la Ministre, mais la tâche suivante est aussi importante. Les leaders des premières centaines de MSP sont allés beaucoup plus vite que la majorité des équipes de terrain. Notre capacité à accompagner les équipes dans le changement sera une des clés de la réussite de la révolution des soins primaires et de ces nouveaux modes de rémunération d‘équipes.
Les NMR représentent une moyenne de 5% du CA des équipes. Nous pensons, à la FFMPS, que les marges de manoeuvres financières à venir devraient être dirigées en priorités sur ces NMR. Car ces rémunérations d‘équipes sont structurantes pour les équipes et donc pour le système de santé. Cela a été déjà démontré par les travaux de l’IRDES qui a suivi des MSP expérimentant les NMR. Une équipe pluriprofessionnelle coordonnée en MSP stabilise la démographie des professionnels sur son secteur, soigne mieux et à moindre coût. Nous irons plus loin dans ces démonstrations, car nous sommes bien conscients des contraintes budgétaires de ce pays.
Nous appuierons des programmes de recherche autour des équipes de soins primaires coordonnées pour que des publications viennent démontrer ce que nous constatons tous les jours dans nos MSP. C’est avec cet objectif que la FFMPS vient de créer son propre groupe de recherche animé par deux chefs de clinique et chercheurs en soins primaires. L’objectif est de fournir une démonstration de cette amélioration des services rendus aux patients dans les 5 ans de la durée du règlement arbitral. Je vous remercie, Madame la Ministre, de votre décision d’ouvrir les programmes hospitaliers de recherche clinique aux MSP. Nous saisirons cette opportunité. Et cela a déjà débuté avec une étude co-pilotée par la FFMPS sur la satisfaction des patients. C’est le premier projet national financé dont le promoteur est une maison de santé. Il faudra sur ce sujet, que l’assurance maladie poursuive avec nous ses efforts d’évaluation.
Aider au développement du SI, aider à la production de protocoles, aider à comprendre et entrer dans les NMR, sur ces trois dossiers, je le répète, l’accompagnement des professionnels au changement est crucial.
Passer du seul soin au patient en exercice isolé à la prise en charge d’une patientèle sur un territoire en coordination avec une équipe ne va pas de soi. Nous avons développé des compétences de facilitateurs dans plusieurs régions pour aider des équipes à réaliser et porter des projets de MSP. Nous savons qu’il va nous falloir accompagner aussi les équipes constituées. Ceux qui sont en avance aideront ceux qui débutent, c’est le sens de notre fédération.
Encore faudra-t-il, Madame la Ministre, que les partenariats avec les ARS soient à la hauteur. C’est aujourd’hui le cas dans quelques régions, mais pas dans toutes. Nous pouvons apporter beaucoup de compétences dans cet accompagnement. Les professionnels changent plus vite s’ils sont accompagnés par leurs pairs. Mais l’aide des ARS par les FIR permet d’aller encore plus vite. Cela est démontré dans quelques régions plus dynamiques que d’autres.
C’est aussi notre raison d’être que d’inventer de nouveaux outils d’aide aux équipes. La FFMPS a créé cette année la première coopérative de services aux équipes de soins primaires. Plusieurs équipes ont déjà été accompagnées pour un diagnostic deleur fonctionnement, puis la mise à disposition d’un poste de coordination. D’autres métiers vont venir aider les équipes comme les postes d’infirmière de santé publique, ou les DIM ambulatoires.
Pour poursuivre et accompagner ces changements, d’autres dossiers s’imposent encore à nous.
Nous avons à prouver que notre production de soins est de qualité. C’est le travail effectué par notre groupe MSP Qualité avec la matrice de maturité.
Nous avons à développer des plateformes d’appui aux équipes sur les territoires et en trouver le financement. C’est le partenariat avec l’UNR-santé et la nécessité de solliciter les FIR.
Nous avons à lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé, particulièrement dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville. C’est le travail mené par plusieurs responsables de nos fédérations de plusieurs régions.
Nous avons à solliciter la participation des usagers à la santé de leur territoire. C’est le travail mené par notre fédération de Franche Comté en partenariat avec l’ARS de Franche Comté qui a abouti au « guide de la participation en santé de proximité ».
La FFMPS a bien travaillé.
Mais il reste aujourd’hui 4 points sur lesquels nous avons besoin de votre aide.
Le premier sur lequel je suis déjà revenu plusieurs fois est celui de l’accompagnement des équipes. Votre soutien pour motiver les ARS à utiliser nos compétences sera bienvenu.
Le deuxième concerne la difficulté à trouver des plateaux pour constituer des MSP en centre urbain. Nous avons des contacts avec les mairies de Paris et de Lyon, et avec la CDC. Nous pensons qu’il faudrait créer une société foncière spécifique aux soins primaires en France. Nous aurons besoin de votre aide sur ce sujet, car pour l’instant nous bricolons.
Le troisième point concerne encore le soutien aux équipes. La plupart des équipes utilisent les services d’un coordinateur ou coordinatrice. Ces équipes doivent mutualiser ces postes qui ne sont pas à plein temps. Si ces postes sont servis par une structure facilitante, le taux de la TVA est de 20% comme une société intérimaire. Or ce sont les NMR qui servent à cela et il est dommage de voir 20% d’une somme venant de la CPAM à but de coordination repartir directement vers Bercy… Pour des postes qui participent aux soins. Notre demande est d’étudier la possibilité que ces postes mis à disposition des équipes en utilisant les NMR puissent bénéficier d’une TVA à 10% comme les services à la personne.
Enfin le quatrième point concerne l’avenir du statut juridique des équipes. Non seulement celui des SISA, mais aussi celui de nouvelles formes juridiques du travail en équipe auxquelles nous devons déjà réfléchir. Il n’est pas simple de travailler en coordination interprofessionnelle avec des décrets d’acte et de compétence spécifiques à chaque profession. Nous comptons sur le Ministère pour lancer un groupe de travail, ce qui aura plus d’allure que si nous la lancions tout seul.
Madame la Ministre, je voudrais remercier les personnes de vos services qui ont été d’une grande aide pour avancer, dont Thomas WANECQ, Claire SCOTTON, Isabelle MANZI, et ceux qui les ont précédés. Si j’avais une dernière demande, ce serait la création d’une direction des soins primaires au Ministère.
Nous avons lu les amendements proposés par le gouvernement sur votre projet de loi de santé.
Nous avons noté de bonnes choses comme la définition des équipes de soins primaires, ou comme la définition des pratiques avancées dans le cadre d’équipes constituées. Nous avons apprécié les modifications qui donnent de la place à « l’espace local » des professionnels des soins primaires, avec les communautés professinonelles territoriales de santé.
Comptez sur nous, Madame la Ministre, pour continuer d’explorer, de défricher, et aider nos collègues à affronter les nouveaux enjeux du système de santé. C’est notre objet, c’est aussi notre passion. La FFMPS est une des solutions aux obstacles de la réforme du système de santé. Les professionnels des soins primaires engagés dans les MSP portent l’innovation et le changement et de cela, les pouvoirs publics peuvent être satisfaits.
Si, ni un indice de marée du siècle à 119, ni une éclipse de soleil ne nous ont fait peur, ce ne seront ces multiples obstacles sur la modernisation de notre système de soins qui nous feront chavirer. Comptez sur nous pour ne pas lâcher. Et nous comptons sur vous pour faire bouger les cadres réglementaires correspondants. Et pour motiver les ARS à travailler avec nous en région.
Pierre DE HAAS – La Rochelle le vendredi 20 mars 2015