La 1ère question que posent nombre de professionnels de santé avant de s’engager dans un projet de maison de santé (MSP), c’est « combien cela va me coûter? »
Or il n’y a pas et il ne peut y avoir de réponse type. Le budget de fonctionnement, et donc notamment les charges relevant de chaque professionnel de santé, doit se construire progressivement en parallèle de la finalisation du projet organisationnel et du projet de santé dont il va être le reflet.
1ère chose à garder à l’esprit : il n’existe pas UN budget type de maison de santé !
En effet, un budget de MSP est toujours le résultat de négociations au sein de l’équipe (sur la partie des charges comme sur celle des produits).
- Chaque budget est étroitement lié à l’équipe et à son organisation.
- Le budget doit pouvoir évoluer dans le temps en fonction de différents paramètres (montée en charge des patientèles, évolutions dans l’organisation) et doit donc être régulièrement renégocié.
Les actes perçus individuellement restent les principales ressources du professionnel de santé y compris en MSP et PSP.
- les professionnels continuent d’être payés à l’acte de manière individuelle ;
- pour les médecins généralistes : les forfaits ALD, médecin traitant… et les forfaits liés au ROSP (revenus sur objectifs de santé publique) sont maintenus.
Côté charges, 2 étapes
On peut grossièrement identifier 2 étapes dans les discussions de l’équipe sur la partie des charges.
1ère étape – Décider des charges qu’on va mutualiser
Charges liées au fonctionnement classique d’un cabinet de groupe
- Loyer ou remboursement de prêts
- Assurances, eau, etc.
- Matériel médical
- Salaires de personnel, entretien, secrétariat
Le terme de « décision » est bien sûr assez illusoire pour des charges incontournables comme le loyer. En revanche, le choix de certaines dépenses (par exemple un secrétariat avec présence physique sur toute la durée d’ouverture du cabinet) relève de décisions de l’équipe ou d’une partie de l’équipe qui va utiliser ce service.
Charges plus spécifiques aux MSP
- Système d’information partagé
- Poste de coordination
- Formations pluriprofessionnelles non prises en charge par les formations continues, réunions de staffs, rencontres avec les partenaires
- Dépenses liées à des activités et des projets de santé publique (ETP, actions de prévention ou promotion de la santé…)
Ces charges plus spécifiques vont être étroitement liées au niveau d’intégration et de coordination auquel veut parvenir l’équipe. Plus il y aura de mises en commun et de travail intégré (partages de bureau et matériel, personnel de coordination ou de secrétariat, temps de coordination fait par un des membres de l’équipe…) plus les charges relevant de la MSP seront élevées.
Si l’équipe perçoit les nouveaux modes de rémunération, elle doit, dans son budget prévisionnel, présenter sur le volet charges la manière dont elle va les utiliser. Par exemple, si elle indemnise les temps de réunions de l’équipe, une ligne avec la prévision des indemnités versées doit aussi apparaître dans la partie charges (en regard des NMR de la partie produits).
2ème étape – Comment se répartir ces charges entre professionnels ?
Comme dans tous les cabinets de groupe, les professionnels doivent parvenir à un accord sur ce que chacun met au « pot commun ».
Il est indispensable de pouvoir discuter le plus ouvertement possible des charges supportables par chacun, sachant que selon les professions (mais aussi le temps de travail, la montée en charge pour se créer une patientèle…), les revenus des membres de l’équipe liés à leur activité au sein de la MSP peuvent être très hétérogènes.
Le plus souvent, les équipes utilisent des clés de répartition :
- Temps de présence au sein de la MSP
- Utilisation du service (par ex le secrétariat)
- Utilisation de la surface
- Chiffre d’affaires ou bénéfice lié à l’activité dans la MSP
Dans le cadre d’une enquête réalisée pour les Journées Nationales de la FFMPS de 2014, les équipes utilisaient le plus souvent des clés mixtes avec essentiellement la surface, le temps de présence, l’utilisation du service.
Toutefois, la clé de répartition des charges entre les différents professionnels doit figurer dans le règlement intérieur de la forme sociétaire (SCM, SISA…). En l’absence de règlement intérieur, le calcul se fait en fonction des parts détenues par chaque professionnel au sein de la structure.
Côté produits
En plus des produits liés à la reversion par les professionnels pour leur participation aux charges (comme dans tous les cabinets de groupe), les MSP peuvent bénéficier de produits spécifiques.
Les NMR – nouveaux modes de rémunération
Pour mémoire, ce forfait est perçu après signature d’un contrat basé sur des engagements reposant sur 3 axes (les 3 axes des critères d’entrée): l’accès aux soins, le travail en équipe pluri professionnelle, le système d’information.
Chaque axe comprend 2 niveaux de rémunérations :
- une rémunération de base liée à l’atteinte des engagements « socles » définis comme des prérequis ou critères d’entrée ;
- une rémunération supplémentaire liée à l’atteinte des engagements « optionnels ».
La rémunération est valorisée par un nombre de points attribués à chaque indicateur (valeur du point = 7 €).
Selon les indicateurs, le nombre de point est soit fixe soit variable. Pour la partie variable, le nombre de points attribués est proratisé en fonction de la patientèle au 31 décembre de l’année de référence et de l’atteinte d’objectifs.
La FFMPS a travaillé sur un outil très simple sous format Excel qui permet à chaque équipe en rentrant ses chiffres de patientèle et éventuellement des éléments liés à la sur-précarité d’avoir une idée des montants auxquels elle peut prétendre. Cet outil est disponible pour nos membres sur demande à la FémasIF.
Ce sont les sociétaires de la SISA qui décident de l’utilisation des financements reçus au titre des nouveaux modes de rémunération (le contenu et les modalités).
Ils peuvent décider de prendre en charge différents types de dépenses relevant des 3 axes des NMR. Par exemple :
- l’indemnisation des temps de staffs ou de réunions mono et pluriprofessionnelles ;
- le travail sur les recherches bibliographique ;
- les comptes rendus ;
- le temps de coordination ;
- le lien avec les partenaires…
Il est également possible de payer du matériel servant à la coordination (retroprojecteur…).
En revanche, les nouveaux modes de rémunération ne peuvent a priori pas financer des aménagements, des travaux, les loyers des cabinets…
Les personnes qui peuvent percevoir des financements de ces NMR ne sont pas limitées aux seuls membres de la SISA. Sur décision des sociétaires d’autres personnes peuvent percevoir ponctuellement ou de manière régulière des financements (quelle que soit leur forme). Toutes les formes sont envisageables : salariat, indemnités, honoraires…
Les produits liés aux projets de santé publique
Les équipes qui développent des projets de santé publique peuvent bénéficier de points supplémentaires dans le calcul des NMR.
Les équipes ne peuvent bénéficier de points que pour 2 projets au maximum.
De plus, ces financements sont a priori insuffisants pour couvrir toutes les dépenses de tels projets. Par exemple, pour une patientèle de référence de 4 000, chaque projet rapporte 350 points (soient 2 450€).
Les points des NMR représentent donc un bonus pour l’équipe, mais les projets de ce type devront être financés par ailleurs.
Parmi les soutiens potentiels (auxquels sont éventuellement éligibles les équipes en MSP avec une forme juridique associative) comme pour d’autres associations de prévention et promotion de la santé :
- État : ARS grâce au FIR (CPOM, Appel à projets…), préfecture (ACSé…) sur des lignes santé, politique de la Ville
- Région
- Département
- Collectivités territoriales (communauté de communes, ville)
- Aides privées : fondations d’entreprises, fondations sous égide
- Emplois aidés sur les postes de secrétariat, médiation, accueil (emplois d’avenirs, contrats aidés…)
La recherche de ces financements très spécifiques est très chronophage et peut demander des compétences spécifiques. Ces financements ne sont donc, dans les faits, pas immédiatement accessibles pour des MSP qui se montent.
Les conseils de la FémasIF
Prendre du temps pour construire le budget de fonctionnement
Comme nous l’avons vu, le budget ne peut être fixé en préalable, puisqu’il va être le reflet du projet organisationnel et du projet de santé. Il est donc impossible de répondre a priori à la question initiale des professionnels de santé sur « combien cela va me coûter? ».
Ce qui est sûr c’est qu’aucun projet n’est viable si les charges supportées par les professionnels de santé deviennent insupportables !
L’objectif de ce travail en commun sur le budget est donc de trouver un consensus sur les charges acceptables par les professionnels de santé et qui permettent à la Maison de Santé de faire vivre son projet.
Se faire accompagner si besoin
En cas de difficultés à aborder ces sujets, que ce soit dans le cadre du montage mais aussi du fonctionnement de la Maison, la présence d’un tiers extérieur et neutre peut être facteur de déblocage de certaines tensions ou non-dits. Ce tiers facilitateur peut être par exemple un expert-comptable.
Discuter régulièrement des éléments financiers de la MSP
Idéalement les différents membres doivent pouvoir régulièrement (au moins une ou deux fois par an) aborder les aspects financiers, en particulier leurs difficultés éventuelles à payer les charges (même si « les charges communes, c’est toujours trop cher,! »), les évolutions de leurs revenus propres (les chiffres d’affaires des professionnels de santé sont très hétérogènes, a fortiori dans des équipes pluri-professionnelles) ou leurs désaccords possibles, par exemple demander à revoir les clés de répartition ou l’utilisation des NMR.