Les Agences Régionales de Santé doivent-elles disparaître ?

4 décembre 2025

Depuis la fin des années 2000 notre système de santé a connu des transformations structurelles fortes, avec la reconnaissance des spécificités territoriales en matière de santé tout en affirmant l’exigence de lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé et de maintenir l’équité et les solidarités territoriales au niveau national. Les diverses lois cadre, quelles que soient les couleurs politiques qui se sont succédées, ont ainsi fait émerger de manière convergente et cohérente de nouveaux acteurs et de nouvelles manières de construire et de déployer les politiques de santé au plus près des citoyens. Avec une volonté de promouvoir une « démocratie sanitaire » concernant tant les acteurs professionnels de terrain face à un État déconcentré, désormais moins hégémonique et centralisé, que les habitants/usagers/citoyens eux-mêmes. On peut citer ainsi d’abord la loi HPST (Hôpital Patients Santé Territoires) qui la première (2009) a inauguré ces changements structurels, puis la loi de modernisation du système de santé (2016) qui est venue la compléter et Ma Santé 2022 qui – sans parachever ce processus de fond et de long terme – est venue, en 2019, en renforcer et accélérer les premières avancées.

Ainsi les Agences Régionales de Santé (ARS), instaurées par la loi HPST et installées en 2010, font partie de ces nouveaux acteurs majeurs ancrés structurellement dans ce nouveau paysage sanitaire, avec la mission de concevoir et de déployer des politiques globales de santé au niveau régional. Ce niveau territorial étant institué par le pouvoir politique comme celui désormais le plus pertinent en termes d’organisation politico-économique, dans un contexte d’intégration des politiques transfrontalières d’une Union Européenne en construction. En 15 ans, les choses n’ont pas été simples pour les ARS. Il a fallu faire évoluer les mentalités et les pratiques de tous les acteurs, y compris les leurs, créer de nouvelles alliances avec les autres acteurs, eux-mêmes soumis à des changements profonds : les établissements hospitaliers et médico-sociaux, les structures locales et régionales de l’Assurance Maladie, les professionnels de ville dont les plus innovants ont pu engager une restructuration progressive des soins par un exercice coordonné en équipes pluriprofessionnelles. Ce qui constituait au départ une révolution dans un monde libéral de la santé en crise.

Après ces quinze premières années d’existence, les ARS doivent-elles donc désormais disparaître ?

C’est ce que semblent affirmer un certain nombre d’acteurs professionnels et politiques y compris au plus haut niveau du pouvoir exécutif – arguant l’« échec » des ARS ou une nécessaire conjugaison entre « centralisation » et « décentralisation », concept souvent confondu avec celui de « déconcentration » des services de l’État.

Face à ce risque de démembrement incohérent de ce qui a été construit collectivement progressivement pendant presque une génération, la FémasIF s’inscrit résolument contre toute démarche de démolition – contrôlée ou incontrôlée – de notre patrimoine sanitaire collectif. Et les ARS en constituent une pièce essentielle, malgré toutes leurs imperfections.

Et la restructuration de notre système de santé doit s’appuyer sur les acteurs de premier recours, garants de parcours de santé véritablement coordonnés : les équipes coordonnées de soins et les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) en sont les formes actuellement les plus innovantes. Les ARS doivent être pleinement partenaires de ces nouvelles organisations professionnelles pour structurer les réponses locales, soutenir l’innovation, valoriser la prévention et réduire réellement les inégalités d’accès aux soins.

Nous appelons à de vraies évaluations – globales et démocratiques – des grandes politiques publiques, particulièrement en matière de santé. Ce d’autant plus que nous approchons de la durée probablement la plus pertinente pour juger des effets de fond de décisions politiques stratégiques, celle d’une génération : 20 ans !

Il est temps d’évaluer sérieusement et globalement nos politiques publiques en matière de santé, avec en ligne de mire les bonnes décisions structurelles à prendre pour la prochaine vingtaine d’années.

La FémasIF se tient prête à contribuer à cette évaluation de fond, en s’appuyant sur son expérience et ses compétences propres forgées au cours de ces dernières années, et en partenariat avec l’ARS Ile-de-France – dans toutes ses composantes territoriales – et tous les acteurs régionaux impliqués dans la santé de nos concitoyens.

Réformer intelligemment, plutôt que démanteler : c’est là notre ligne !
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